"Il doit apprendre à s'adapter au monde dans lequel il vit"
ou comment prendre le problème de l'inclusion de personnes hors norme dans le mauvais sens

Quand la fiction inspire la réalité
Comme beaucoup de mamans d’enfants neuroatypiques, Netflix ou Disney font partie de ma panoplie de ‘moments détente’.
Notre vie sociale étant assez restreinte, les personnages de séries TV deviennent souvent un genre d’entourage ‘virtuel’.
Hier, je regardais la dernière saison de New Amsterdam, une série centrée sur comment des médecins essayent de naviguer entre leurs valeurs et les contraintes de leur job.
Dans un épisode, le Dr Iggy, pédopsychiatre, rencontre pour la première fois un garçon de 5 ans, dont le comportement devient de plus en plus difficile et violent.
En enquêtant, il découvre que l’enfant est devenu sourd à 1 an et n’utilise aucun moyen de communication adapté.
Les parents expliquent que les professionnels consultés leur ont tous déconseillé de lui apprendre la LSF (Langue des Signes Française), au motif que cela :
l’isolerait car seuls d’autres pratiquants vont le comprendre
lui enlèverait toute motivation pour lire sur les lèvres
l’empêcherait d’apprendre à se débrouiller dans le monde
Résultat : l’enfant ne connaît qu’une centaine de mots, ne communique ni avec ses parents ni avec son environnement, et ses comportements s’aggravent. Il est enfermé dans un monde incompréhensible, sans moyen de s’exprimer et n’est plus en état d’apprendre.
Dr Iggy, partisan d’un modèle centré sur les forces et pas sur les limites vs une norme, leur propose alors d’intégrer une école bilingue LSF/langue orale pour lui donner un langage et renforcer son lien avec le monde. Il leur présente aussi sa collège le Dr Wilder, qui est chirurgienne, sourde et ‘parle’ via un interprète.
Evidemment c’est une série très militante, le niveau d’inclusion présenté ici n’a rien de comparable à la réalité mais cet épisode résonne fortement dans le contexte de l’autisme, où l’on observe souvent la même erreur : vouloir faire rentrer des enfants atypiques dans un cadre standard, plutôt que de s’adapter à leur diversité.
Je pense qu’on est nombreuses ici a être passé par cette phase où le discours ‘il a besoin de s’adapter' faisait sens et surtout permettait à notre peur de l’avenir d’être moins envahissante.
L’adaptabilité comme protection contre les difficultés futures.
Sauf que cette ‘sur’-adaptabilité a toujours un coût sur le long terme.
Combien de familles, sur le groupe Hapyk notamment, en font les frais : phobie scolaire, dépression/burn-out, troubles anxieux, burn-out parental à force de tenir son enfant à bout de bras.
J’en ai aussi déjà parlé ici
Pourquoi la compensation n’est pas la solution pour nos enfants autistes à l’école
Si tu as un enfant autiste, tu sais déjà que chaque rentrée scolaire est un mélange d’espoir et d’inquiétude.
Valoriser la différence au lieu de la normaliser
En France, le modèle médical reste très présent dans la prise en charge de l’autisme. Certes, l’idée de diagnostiquer des difficultés importantes pour accompagner la personne a du sens. Mais trop souvent, ce modèle se concentre sur ce qui manque à l’enfant, plutôt que sur la valorisation et le développement de ses forces.
Par exemple, pour les enfants autistes sans déficience intellectuelle (anciennement Asperger) ou les profils TSA/HPI, la communication orale est souvent évaluée comme « suffisante » voire “préservée”.
Il est donc logique, qu’en tant que parent, on favorise ce canal avec nos enfants et, un peu comme dans le cas du petit garçon sourd, qu’on ne cherche pas à développer d’autres modes de communication.
Mais on réalise souvent que, malgré un vocabulaire adapté voire sur-performant, nos enfants
restent souvent en retrait
ne semblent pas toujours apprécier de faire la conversation, surtout quand elle est sur un sujet banal
ou alors prennent la parole et s’embarquent dans un monologue passionné sur le sujet du moment.
Résultat : ils se sentent souvent incompris, limités à des cercles restreints et, parfois, incompétents.
La solution ? Favoriser plusieurs modes d’expression et communication, pour élargir leur champ de possibilités.
Apprendre hors de la zone de panique
Il est évident que la crainte de chaque parent est que son enfant, une fois adulte et nous plus là, se retrouve perdu dans un monde non pensé pour elle.
Pour qu’un enfant apprenne à naviguer dans un monde non adapté à lui, il faut qu’il ait les outils pour s’y adapter. Mais ces outils ne se construisent pas sous pression constante. Comme le montre la théorie des zones d’apprentissage :
Zone de confort : Pas de stress, mais peu d’apprentissage.
Zone proximale : Stimulation modérée qui favorise les progrès.
Zone de panique : Stress excessif, apprentissage bloqué.
Pour les enfants autistes, la zone de panique peut survenir rapidement :
Le bruit ; les odeurs ; l’agitation
Le manque de stimulation visuelle ou physique
Les exigences sociales souvent opaques à leurs yeux ;
La dominance du langage oral et l’impossibilité d’utiliser une autre forme d’expression
Et parfois, le simple fait de ne pas se sentir compris.
Ce qui met un enfant en panique varie en fonction du contexte et de la personne. Pour aider à réduire cette pression, concentrons-nous sur la communication, qui est un levier essentiel.
Les théories de l’apprentissages le disent, pour apprendre il faut sortir de sa zone de confort mais rester en dehors de la zone de panique.
Et ce qui constitue une zone de panique est variable et fluctuant sur la durée.
C’est pour cela qu’il est utile de toujours évaluer l’intérêt de la recherche de la norme vs. un aménagement.
En pratique, que faire ?
Multiplier les outils de communication :
Propose à ton enfant d’exprimer ses besoins ou ses idées via des dessins, des objets ou des messages écrits.
Pour certains enfants rien que de pouvoir dessiner en classe ou utiliser une mindmap permet de les sortir de la zone de panique.
Pour d’autre, pouvoir s’exprimer avec une carte (“j’ai faim!!!”) à la fin d’une journée chargée va faire toute la différence entre une crise et une soirée apaisée.
Et pour d’autres encore, expliquer un concept de maths ou d’histoire en mode ‘conférence’ ou ‘youtubeur’ c’est apprendre, mais dans un mode qui leur convient.
Valoriser ses forces : Au lieu de te focaliser sur ce qu’elle ne fait pas comme les autres, renforce ce qu’elle fait bien. Tu connais ton enfant, ce qu’il aime faire, utilise le!
Un enfant qui se sent compétent, compris et accepté apprend mieux à s’adapter à un monde neurotypique.
En l’aidant à développer ses propres stratégies, tu l’équipes pour aujourd’hui et pour demain.
Et sur le même thème :
A très bientôt
Alexia
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Très parlant cette explication avec les trois zones : confort/proximale/panique. Merci Alexia
C'est une situation récurrente, d'abord on demande à l'enfant de s'adapter !
L'inclusion telle qu'elle est pratiquée c'est une grande hypocrisie à échelle sociétale !
Nos enfants sont de véritables résistants pour supporter tout ça ! Et nous aussi !
Mais ça fait du bien de rêver devant une fiction inclusive, je suis d'accord !
Et oui, oui, oui, ce sont aux adultes professionnels de s'adapter !
Éducation Nationale, médecin et autres!
Oui, faites le premier pas! Nos enfants suivront!