Quand on n’est pas d’accord à deux : gérer les désaccords parentaux autour de l’éducation de son enfant atypique
Punition ou non, gestion des crises… Comment trouver un terrain d’entente quand ton enfant a des besoins spécifiques ?
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« Il faut lui mettre des limites. » Marcelline pense qu’il faut ajuster les attentes de Gaston, son fils TDAH. Son conjoint, lui, voudrait plus de rigueur : « Il faut qu’il apprenne à se comporter. »
« Elle doit apprendre à se débrouiller seule. » Ginette a du mal à s’habiller seule. Sa mère veut l’encourager à devenir autonome. Son père préfère l’aider pour éviter le stress.
Tu vois le tableau ?
J’ai récemment échangé avec plusieurs mamans Hapyk. Les désaccords entre parents autour de l’éducation reviennent tout le temps.
Et quand ton enfant est autiste ou TDAH… c’est encore plus compliqué.
Pourquoi on n’est (presque) jamais tout à fait alignés
Chacun arrive avec son vécu, ses idées, ses valeurs. Dans beaucoup de familles, on finit par s’ajuster. Un peu de l’un, un peu de l’autre.
Mais avec un enfant neuroatypique, ces ajustements deviennent plus difficiles. Parce que ce qui marche chez les autres… ne marche pas toujours chez toi.
On voit parfois un parent très structurant, très clair, qui pose un cadre strict, sans exception. Et un autre, plus souple, qui adapte selon le contexte, l’humeur de l’enfant, l’énergie du jour.
Ce genre d’équilibre peut tenir un temps. Mais avec un enfant neuroatypique, les réactions sont souvent plus intenses, les enjeux plus grands, l’épuisement plus rapide. Résultat : le moindre désaccord devient une source de tension dans le couple.
Le diagnostic ne résout pas tout (mais il change tout)
Quand le diagnostic d’autisme et/ou de TDAH arrive, c’est souvent après des mois (ou des années) de galères éducatives et de sentiments d’incompétence parentale.
Le diagnostic met des mots sur ce qu’on ne comprenait pas. Il explique pourquoi certaines méthodes ne fonctionnaient pas. Il permet de sortir du "il fait exprès".
Mais… il ne donne pas tout de suite de solution. Il ne dit pas quoi faire dans ta cuisine, demain matin, à 7h32, quand ta fille hurle et refuse d’aller à l’école.
Tu découvres que ton enfant est un triangle dans un monde de ronds. Et il n’y a pas de notice.

Adapter son style à un enfant atypique
Que tu sois plutôt "bienveillance" ou "cadre ferme", chaque approche a ses forces et ses limites — surtout avec un enfant autiste ou TDAH.
💬 Les méthodes bienveillantes (parler des émotions, encourager l’autonomie) peuvent vite coincer si ton enfant a du mal à s’exprimer, à s’organiser ou à comprendre les consignes orales.
⚠️ Les méthodes plus traditionnelles (discipline stricte, punitions) risquent de le mettre en échec, alors qu’il a besoin de soutien, d’ajustements… et de succès.
👉 Le plus important, ce n’est pas de choisir le bon style.
C’est de construire ensemble un mode d’emploi sur mesure, pour votre enfant à vous, à partir d’essais, d’observations… et d’erreurs.
Résistance au changement : quand on avance à deux vitesses
Les conflits dans le couple ne viennent pas que des méthodes éducatives.
🎯 Ils sont souvent liés à la résistance au changement — cette difficulté qu’on a à modifier sa façon de voir, de faire, d’agir… même après un diagnostic.
😟 Ce que ça remue
Changer, ce n’est pas juste "appliquer une nouvelle méthode".
C’est remettre en question :
ce qu’on croyait savoir de la parentalité,
nos repères,
notre rôle.
Et ça peut faire peur, mal, ou mettre colère.
Surtout quand on se compare à des familles "normales", ou qu’on se sent seul·e à tout porter.
⚡ Des rythmes différents
Dans le couple, on n’avance pas toujours au même rythme.
L’un fonce : elle lit, cherche, teste.
L’autre freine : il minimise, s’accroche à ce qu’il connaît, ou évite le sujet.
💔 Ce n’est pas un manque d’amour.
C’est souvent une manière de se protéger de ce que ce diagnostic implique.
🧠 Deux vérités à garder en tête
1. Personne ne change sans y voir un intérêt.
On bouge quand le statu quo devient plus douloureux que l’inconfort du changement.
(Pense au jean préféré qui ne ferme plus, ou à l’épuisement qui devient invivable.)
2. On ne peut pas changer l’autre.
Mais on peut changer sa propre façon de réagir.
C’est souvent ça qui débloque la dynamique.
Exemple : si tu veux que l’autre parent arrête de crier en pleine crise, lui dire “arrête” pour la 10e fois ne suffit pas.
Tant qu’elle n’a pas vu que ça ne marche pas, ou qu’une autre méthode fonctionne mieux… elle ne changera pas.
Et toi, tu risques juste de passer pour le rabat-joie.
💬 Ce que tu peux faire
Identifier ce que toi, tu es prêt·e à changer.
Lâcher l’attente que l’autre "comprenne enfin".
Agir là où tu as du pouvoir.
Et garder en tête que ce qui met le feu aux poudres, ce sont les émotions, pas juste les idées.
🌱 Accepter de perdre la norme comme repère, c’est difficile.
Mais c’est le premier pas pour construire quelque chose de plus adapté.
À ton enfant. À ton couple. À toi
Comment apaiser les tensions entre parents
1. Se former
Comprendre les comportements aide à mieux choisir ses batailles… et à abandonner les stratégies qui ne marchent pas.
Cela peut passer par des lectures, des vidéos, les webinaires Hapyk, ou l’aide d’un·e pro.
Si un parent a plus de mal à intégrer les changements, le soutien d’une tierce personne est souvent particulièrement utile.
2. Se concentrer sur les priorités
Ne cherchez pas à tout régler. Alignez-vous sur ce qui pèse le plus.
Exemple : ne partez pas sur "les crises", mais sur "la crise des chaussettes du matin".
Même si la gestion du quotidien n’est pas facile, avoir un projet commun au sein du couple peut permettre de faire abstraction de vos divergences et vous concentrer sur une tâche.
D’après mon expérience et celle des familles sur Hapyk, c’est lors des crises qu’il est le plus important d’être alignés ou de laisser la personne qui gère mieux la situation s’en charger.
Beaucoup de familles ont vu une amélioration quand elles ont mis en place un "plan de crise".
Comme un plan incendie, il permet de définir qui fait quoi et comment, et limite le temps perdu à argumenter dans un moment où chacun-e est pris dans le stress de la situation.
Si les crises sont très fréquentes ou compliquées, je vous déconseille de faire cette démarche sans l’aide d’un professionnel, car le risque est que si vous n’y arrivez pas, ça aggrave vos désaccords ("je t’ai écoutée et regarde, ça n’a rien changé, donc je n’aurais pas dû, c’est ta faute").
À ce moment-là, mieux vaut prendre une situation beaucoup plus basique et accessible pour pouvoir avoir une réussite en commun.
3. Tester avec l’esprit ouvert
Testez vos idées respectives sans chercher à convaincre.
Si ça fonctionne, tant mieux. Sinon, on réévalue ensemble.
Cette approche permet d’éviter les discussions sans fin, où chacun essaye de convaincre l’autre d’avoir raison, ou l’un des parents abdique pour avoir la paix mais cherche à prouver l’inefficacité de l’idée.
Si la relation est déjà tendue sur ces sujets, impliquer une tierce personne peut vous aider à rester sur l’objectif et les faits (psychologue, éducateur spécialisé ou proche de confiance).
L’autre chose qui peut aider à désamorcer la tension est d’essayer de se mettre à la place de l’autre parent, pour voir comment elle ou il décode la situation avec ses valeurs et son expérience.
Cet exercice d’empathie peut parfois permettre d'identifier ce qui pose problème à l'autre parent dans une situation et trouver ensemble une solution.
Tu peux par ex réaliser que ta conjointe face à trop de bruit dans la cuisine au repas et se sentant agressée, finit par utiliser la punition parce qu’elle est elle-même en surcharge dans cet environnement.
4. Répartir les responsabilités
Si un parent gère mieux, il peut prendre la main. L’autre observe sans intervenir.
Intervenir tout le temps embrouille l’enfant, empêche l’autre d’essayer, et envoie un message de non-confiance.
Évidemment, il y a des situations où il est important d’intervenir, notamment si l’autre parent semble débordé et la situation dégénère.
Dans ces cas-là, mieux vaut aussi se mettre d’accord sur ce point à l’avance (exemple : quand tu commences à crier, je vais reprendre la main pour te permettre de redescendre).
5. Documenter et célébrer
A partir du moment où vous allez commencer à tenter des trucs, il est important de noter ce qui marche et ne marche pas.
D’une part ça vous permettra de mesurer les progrès (et il y en a toujours, même microscopique) et d’autre part de partager un objectif commun.
6. Enregistrer et analyser
Enregistrer avec le dictaphone de ton smartphone une situation clé (crise, désaccord, routine…) aide à prendre du recul.
Ça permet de partir des faits, sans reproches.
Cette méthode peut sembler intimidante ou déprimante, mais elle permet d'accélérer les améliorations parce que, même, au pire, si tu fais "tout mal", le savoir et surtout arrêter de le faire donne une motivation pour changer.
En général, on fait toujours quelque chose de bien, et s’en rendre compte c’est important.
J’ai personnellement utilisé cette méthode lors de crises et j’ai pu, grâce à ça, réaliser que ce n’était pas tant ce que je disais qui posait problème, mais ma tonalité et mon débit de parole.
Cela m’a permis d’apprendre à ralentir considérablement mon débit et utiliser un ton beaucoup plus "bébé", avec de bien meilleurs résultats.
Evidemment la vidéo est encore plus riche mais elle est plus stigmatisante pour l'enfant et nécessite la participation active des 2 parents.
En résumé
Avoir un enfant différent, c’est déjà un défi.
Mais quand, en plus, les désaccords viennent fragiliser la relation de couple, on se retrouve à devoir gérer deux tempêtes en même temps.
Cet article n’a pas vocation à tout résoudre.
Mais j’espère qu’il t’aura au moins rassuré·e : tu n’es pas seul·e à vivre ce genre de tensions. Et surtout, qu’il t’aura donné quelques pistes concrètes pour commencer à y voir plus clair dans ton quotidien.
❤️ N’hésite pas à le partager à ton ou ta conjointe si tu sens que ça peut ouvrir un dialogue.
A bientôt
Alexia