La honte de ne pas y arriver comme tout le monde
Être différent, c'est souvent (voire systématiquement) se confronter à des choses qui semblent faciles pour les autres, mais compliquées pour toi ou ton enfant.
Hello - tu vas recevoir un autre email de moi tout à l’heure, pour t’expliquer le changement de format de la newsletter, mais en attendant, voici le sujet de la semaine :
Être différent, c'est souvent, voire systématiquement, se retrouver face à des choses qui semblent faciles pour les autres, mais difficiles pour toi ou ton enfant.
Par exemple :
Être épuisé après une sortie au cinéma, même si le film était génial et c'était l'unique activité de la journée.
Devoir être ultra-concentré pour suivre une conversation alors que le sujet, en soi, n'est pas particulièrement complexe.
Voir des pairs neurotypiques accomplir facilement ce qu’on n’arrive toujours pas à faire sans difficulté (se brosser les dents, supporter un changement de programme de dernière minute…).
Ces constats mènent inévitablement à cette conclusion : être différent, c'est être « moins bien que », et donc, ressentir de la honte pour ce qu’on est.
Cette honte, bien sûr, n’est pas propre à la neurodiversité ; elle est universelle. La honte joue un rôle social, nous rappelant nos écarts avec la norme (comme l’ont souligné Germer et d’autres). Mais le problème de la honte, c'est que lorsque ça concerne quelque chose d’involontaire (par exemple, lorsqu'on n'est pas simplement "paresseux"), elle devient paralysante et éteint toute envie de demander de l'aide.
Et ça, c'est un vrai problème.
Il y a pourtant un remède
La honte, comme les fantômes, les vampires et les spectres, déteste la lumière. Lorsqu’on l’expose, elle rétrécit ou disparaît. En la partageant, elle s'affaiblit et finit par s’en aller.
On peut vivre toute sa vie avec cette honte, ou choisir de la combattre, pas à pas.
Ce que l’on découvre alors, c’est qu’en la mettant en lumière — avec un peu de prudence sur le contexte et le public pour éviter toute exploitation par des personnes mal intentionnées — on commence à retrouver confiance en soi.
On a moins peur de l'affronter, d'en parler aux autres.
La honte alimente bien souvent la phobie sociale, que l’on retrouve fréquemment avec l'autisme et, plus largement, avec l’anxiété.
Un exemple inspirant
Mon fils a eu une enseignante absolument fabuleuse en CP. Il lui vouait, à juste titre, un culte infini.
Pourquoi?
Parce que le premier jour de la rentrée, face à ces 30 petits élèves intimidés par la grande école, elle a — volontairement, comme elle me l'a confié plus tard — fait tomber son livre par terre et plus tard son crayon, en s’exclamant à chaque fois "ah, je suis parfois maladroite!! bon, ben je ramasse". Pas d’autre commentaire, pas de critique, rien.
Cette petite mise en scène a beaucoup impressionné mon fils, perfectionniste de nature. La maîtresse avait compris comment exposer la honte pour mieux la désamorcer.
Des moyens simples de réduire la honte
Je dis souvent que la première étape pour réduire la honte, c’est de l’afficher. Par exemple :
Écrire ce que l’on pense ou ressent (pour les ados ou adultes).
En parler à quelqu'un dont on sait qu’il ne portera pas de jugement.
Affronter - sortir avec un T-shirt jaune fluo et assumer les regards.
Annoncer ce qui est difficile, d'une manière plus ou moins directe : « Je n’aime pas trop parler en public » ou « Je suis un peu timide avec les gens que je ne connais pas ».
Bien entendu, ce n'est pas sans risque ou inconfort. Mais ça reste beaucoup moins invalidant que de laisser cette honte contrôler sa vie.
Souffrir pour souffrir, autant faire quelque chose parce que passer à l'action va réduire cette honte sur la durée.
Ne rien faire ne changera rien voir augmentera la honte, puisque se rajoutera celle de ne pas l'affronter 🤯
Tout le monde a peur ou honte de quelque chose.
C’est d’ailleurs l’un des principes des groupes de soutien, comme le groupe Hapyk.
Lorsqu'on se rend compte qu'on n'est pas seul à vouloir tout laisser tomber ou à se sentir dépassé par l'autisme, on se sent moins seule et surtout, moins honteuse.
Modéliser cette approche aussi devant ses enfants permet de construire une culture où la honte n'a pas autant de place.
Le contexte compte
La seule limite de cette approche, c’est de bien choisir le contexte et les personnes à qui on expose ses peurs.
On évitera les contextes impersonnels, mal connus ou les personnes peu bienveillantes.
Et encore, cela reste discutable (mais c’est une discussion pour une autre fois).
Et la prochaine fois ?
Rappelle-toi que combattre la honte se fait un pas après l’autre, et chaque petit acte compte. L’important, c’est de commencer, peu importe à quel rythme.
Alors, la prochaine fois que la honte s’invite chez toi, que vas-tu suggérer à ton enfant ou faire toi-même?
En attendant, bonne fin de semaine,
Alexia